Oursin violet paracentrotus lividus
Les travaux de recherche menés à Stella Mare sur l’oursin violet ont débuté en 2011, à la demande des pêcheurs professionnels de Corse, avec pour objectif l’amélioration des connaissances sur l’espèce ainsi que la maitrise de sa reproduction.
Grâce aux connaissances acquises depuis 10 ans, l’Université de Corse est désormais en mesure de proposer une opération de restauration écologique d’envergure visant à renforcer des populations fragilisées d’oursins.
Ainsi, le jeudi 30 mars 2023, 100 000 juvéniles d’oursins seront relâchés sur la commune de Saint-Florent dans le périmètre du Parc Naturel Marin du Cap Corse et de l’Agriate, en Haute-Corse. Ces individus, issus de géniteurs soigneusement collectés sur le site à restaurer, ont été produits et élevés pendant une année dans les bassins de Stella Mare.
Dans les jours qui suivront ce relâché, et pendant une année complète, des suivis et dénombrements en plongée seront menés par les équipes de Stella Mare afin d’évaluer l’efficacité de cette action de restauration écologique. L’objectif de cette expérimentation est de proposer une technique expérimentale innovante permettant à terme d’améliorer les méthodes de conservation, de gestion et de valorisation de la ressource oursinière en Corse et en Méditerranée.
L’oursin comestible Paracentrotus lividus est l’échinoïde le plus abondant de l’étage infralittoral méditerranéen. Le long des côtes corses, l’exploitation de l’oursin se pratique depuis fort longtemps. L’espèce y est considérée comme une ressource halieutique d’importance ayant un intérêt économique certain pour les pêcheurs professionnels (500 000 € par an pour une trentaine de pêcheurs en Corse). Elle possède également une forte valeur patrimoniale comme en témoigne la tradition des « oursinades ».
Cependant, bien qu’une réglementation encadre la pratique de la pêche, la ressource semble fragilisée depuis plusieurs années déjà. Outre la pression de pêche, de nombreux facteurs tels que la destruction des habitats, la pollution, la prédation peuvent contribuer à la diminution des populations.
Dans le cadre du programme de recherche mené par l’Université de Corse et le CNRS, un suivi des populations sauvages est effectué autour de la Corse afin de suivre et évaluer l’état de la ressource. Entre 2013 à 2022, les scientifiques du centre de recherches ont pu observer une nette diminution des densités et de la taille des oursins dans les zones des quatre prud’homies de pêche. Ces diminutions sont ressenties depuis plusieurs années et inquiètent les pêcheurs qui, en ce début d’année 2023, ont proposé un décalage de la date d’ouverture de la pêche au mois de janvier ainsi qu’un arrêt potentiel de la pêche pour une durée de trois ans afin de préserver la ressource.
En parallèle de ces observations dans le milieu, la plateforme Stella Mare poursuit ses travaux afin d’améliorer les techniques de reproduction et de grossissement en écloserie, ce qui a permis de passer de quelques dizaines d’oursins produits en 2014 à une capacité de production d’un demi-million de juvéniles en 2022.
Grâce à cette capacité de production, chaque année depuis 2018, des relâchés expérimentaux de 10 000 à 20 000 juvéniles ont été effectués par Stella Mare sur des zones fragilisées dans les quatre prud’homies de pêche de Corse. Ces expérimentations ont permis de définir les bases d’un protocole de restauration écologique et de préciser les modalités de relâché (par exemple la période de l’année propice au transfert en mer, le conditionnement des individus pré-relâché, la profondeur, l’habitat de la zone de relâché ainsi que les mesures de protection potentielles). Sur les zones restaurées, la proportion de juvéniles issus des relâchés a été évaluée allant de 30 à 100 % en fonction des zones un an après relâché. De même, aucun impact négatif de ces opérations de restauration n’a été observé sur les autres communautés benthiques.
Cette nouvelle opération d’ampleur concrétise la volonté de la plateforme de mettre en œuvre des solutions innovantes d’ingénierie écologique marine et littorale afin de répondre à des grands enjeux sociétaux.
A propos de la plateforme Stella Mare (Università di Corsica – CNRS)
En associant les chercheurs et les professionnels de la mer pour une gestion durable des ressources halieutiques, les programmes de recherche de la plateforme innovent dans le domaine de la pêche et de l’aquaculture à l’échelle de l’Europe. Au sein d’un pôle technologique avant-gardiste de 1600 m2 de laboratoires, d’écloseries et de salles d’études, l’équipe de Stella Mare composée d’une cinquantaine d’ingénieurs, techniciens, enseignants-chercheurs et informaticiens, mène des études approfondies qui consistent notamment à évaluer les stocks, à analyser les interactions au sein de l’écosystème et à maîtriser les processus de reproduction et d’élevage de différentes espèces locales. Leur credo : favoriser une pêche éco-responsable et une aquaculture durable, valoriser et diversifier les productions sur des espèces issues du littoral corse, gérer les ressources naturelles en vue d’une exploitation raisonnée.
Des travaux spécifiques ont ainsi permis la maîtrise de la reproduction de l’oursin violet, de l’huître plate, du homard, du denti et d’espèces menacées de disparition comme le corb. D’autres travaux sont actuellement menés, notamment sur la patelle géante, dont la Corse demeure l’un des derniers gisements au monde. Les avancées concrètes obtenues par Stella Mare positionne la Corse comme une région pilote en Europe dans le domaine de l’écologie marine : depuis 2019, le professeur Antoine Aiello, directeur de la Plateforme Stella Mare (Université de Corse/CNRS), est expert auprès du Comité économique et social européen (CESE) dans le cadre des travaux menés sur la bioéconomie bleue. Il est également lauréat national de la médaille de l’innovation du CNRS pour l’année 2021.