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Energies renouvelables : quand les promesses se heurtent à la réalité

Laurent Chaudeurge, Responsable de l’ESG, Porte-parole de la Gestion

Le rôle de l’investisseur est d’identifier un marché en croissance durable, comprendre les moteurs de cette croissance et s’assurer que tout est fait pour concrétiser les promesses initiales.

Le secteur des énergies renouvelables est le parfait exemple d’un marché en forte croissance sur de nombreuses années. Le moteur principal de cette dynamique est la lutte contre le réchauffement climatique qui impose d’arrêter de brûler des énergies fossiles et de les remplacer par les énergies solaires et éoliennes. Grâce à des coûts qui n’ont cessé de baisser depuis 15 ans, ces dernières sont devenues très abordables et leur croissance est exponentielle. Ce besoin en énergies renouvelables durera de nombreuses années car il s’agit non seulement de remplacer l’intégralité du système énergétique mondial mais aussi d’accroître ses capacités pour satisfaire une demande qui ne cesse d’augmenter.

Non seulement les perspectives de croissance sont bien identifiées mais tout semble être fait pour y parvenir. En 2022, avec l’IRA (Inflation Reduction Act) aux Etats-Unis et son équivalent en Europe, les gouvernements n’ont jamais mis autant d’argent sur la table pour accélérer cette transition énergétique. Investir dans les exploitants de champs éoliens et solaires ainsi que dans les fabricants d’éoliennes et de panneaux solaires semble donc représenter l’opportunité d’une génération.

Mais l’investisseur averti prend en compte l’ensemble de la chaîne de valeur de l’industrie qu’il analyse. Dans le cas présent, la disponibilité du réseau électrique est une condition nécessaire à la mise en production de tous ces projets d’énergies renouvelables. Cette contrainte physique est souvent minimisée voire négligée. C’est pourtant ce réseau électrique qui risque d’être la source de grandes déceptions pour les investisseurs attirés par les promesses de croissance exponentielle des énergies renouvelables.

Dans les pays développés, les réseaux électriques datent pour la plupart des années 50 et ont été construits pour transmette l’électricité à partir de quelques grandes centrales de génération. Or un réseau moderne doit pouvoir connecter de multiples endroits, éparpillés partout où sont installés des champs d’éoliennes ou de panneaux solaires. Il doit aussi pouvoir transporter plus d’électricité car la transition passe par l’électrification des usages comme l’illustre le passage à la voiture électrique.

Les besoins en investissement pour agrandir et moderniser nos réseaux sont à la fois gigantesques et ont en même temps peu de chance d’intervenir rapidement. BloombergNEF estime qu’il faut 80 millions de kilomètres en plus de réseau d’ici 2050, plus que pour remplacer l’intégralité du réseau mondial actuel. Pourtant, l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) indique qu’au niveau mondial, les investissements dans les réseaux ont baissé entre 2017 et 2020 avant de légèrement remonter à $330 milliards par an en 2022. D’après certaines estimations, il faudrait investir $530 milliards par an d’ici 2030 pour rester aligné avec un scénario 1,5°C.

Pour comprendre cet écart entre l’offre et la demande, il faut revenir à la gouvernance historique des investissements dans les réseaux. Sur les 50 derniers années, ces réseaux ont en général été détenus par des gouvernements ou par des opérateurs privés dont les investissements étaient contrôlés et rémunérés par les gouvernements. La gestion de ces réseaux avait deux objectifs : assurer une électricité stable et sécurisée et réduire au maximum les coûts supplémentaires pour les particuliers. Ces deux objectifs ont été remplis et les coûts du réseau sont une faible partie de la facture d’électricité. Mais comme cette gouvernance n’offrait pas de motivation financière pour investir de manière stratégique, la plupart des investissements n’ont porté que sur des améliorations et des extensions ponctuelles des réseaux.

Même à supposer que les régulateurs changent rapidement les mécanismes d’incitation, il n’y a pas de solution rapide à l’agrandissement et à la modernisation des réseaux car cela peut changer leurs propriétés et donc leur stabilité. De plus, il y a des pénuries de main d’œuvre pour accompagner tous les déploiements qui seraient nécessaires. Cette situation est déjà en train de ralentir la mise en place des projets d’énergies renouvelables. En Angleterre par exemple, certains projets ne seront pas connectés au réseau avant 2030-2035. On observe la même situation aux Etats-Unis.

L’enthousiasme pour la croissance des fabricants et des exploitants d’énergiesrenouvelables repose donc sur des promesses qui pourraient décevoir ou être décalées dans le temps. Ce sont les acteurs de réseaux qui conditionnent désormais le succès de la transition énergétique. Leur croissance est inévitable, elle sera plus lente mais aussi plus consistante, et les attentes sont plus raisonnables, une autre source d’opportunités pour l’investisseur ?

Elliot

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