CSRD : un défi de taille pour notre tissu industriel
Hervé Bodinier, Consultant / Excellence opérationnelle, Magic Software
La directive européenne CSRD entrera en application dans quelques mois, obligeant l’ensemble des entreprises à avoir une action sur leurs données environnementales, sociales et de gouvernance.
Publiée au Journal officiel le 16 décembre 2022, la nouvelle directive européenne dite « CSRD » (Corporate Sustainability Reporting Directive) vise à faire de l’information environnementale, sociale et de gouvernance le tout nouveau pilier de la performance économique des entreprises. S’inscrivant dans la dynamique du Pacte Vert de l’Union Européenne, cette directive se signale avant tout par une ambition de durabilité forte : réduire d’au moins 55% les émissions nettes de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030, par rapport à 1990.
L’intégralité des informations non financières de l’entreprise concernées
Les impacts de cette directive semblent à ce jour assez peu repérés par la majorité des entreprises françaises, et singulièrement par les industries. Ces impacts sont pourtant majeurs : dans les mois et les années à venir, les entreprises vont être progressivement mises en demeure d’identifier et de traiter l’intégralité de l’information non financière qui les concerne. Des grands groupes aux PME, la directive CSRD obligera les acteurs à faire du reporting et de la vérification sur les informations normées en matière de durabilité. C’est en réalité l’intégralité des informations dites ESG (environnementales, sociales et liées à la gouvernance) qui sont ici concernées. Quel est le bilan d’émission de GES de chaque entreprise ? Quels sont les modes de déplacements professionnels des salariés, et avec quel impact carbone ? Comment est réalisé le recyclage des déchets ? Quel est le suivi et la gestion de la consommation de l’eau au sein de l’organisation ? Quelle est la part du chiffre d’affaires dans les activités ayant un impact négatif sur la biodiversité des zones sensibles ? Quelle est l’équité salariale ? Le taux de litiges prud’hommaux ? Le montant alloué au mécénat ? La part des salariés en situation de handicap ? Le nombre d’administrateurs indépendants, et leur pourcentage au sein de la gouvernance ? Le nombre de réunions où la thématique RSE a été mises à l’ordre du jour du conseil d’administration ?
Une affaire de Big Data à anticiper
Ces quelques exemples montrent l’étendue du champ que les organisations vont prochainement devoir couvrir. Dans un premier temps, les grands groupes (établissements supérieurs à 500 salariés ; chiffre d’affaires supérieur à 40 M€ et/ou 20 M€ de bilan) seront mobilisés : pour eux, le premier reporting aura lieu en 2025, l’exercice de référence étant celui de l’année 2024. Pour les sociétés dont le nombre de salariés dépasse 250 personnes, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 400 M€ et/ou le bilan est au-dessus de 20 M€ (également au moins 2 critères remplis), le premier reporting devra être effectué en 2026 (sur l’année de référence 2025). Progressivement, ce seront toutes les entreprises cotées sur le marché réglementé européen qui devront s’inscrire dans cette démarche de Big Data, y-compris les entreprises d’une dizaine de personnes…
L’affaire n’est pas à prendre à la légère, loin de là. À l’échelle de l’Europe, 50 000 établissements sont concernés par ce qui s’apparente fortement à une prise en mains du Big Data par l’entreprise elle-même. Et c’est précisément ici que le défi le plus important est lancé. Qui, au sein de l’organisation, est aujourd’hui en capacité d’avoir une vision globale sur ces informations ESG ? Pas grand monde, et pour cause : les données à identifier, à compiler et à traiter sont transverses, variées et parfois très fines.
La directive CSRD pose finalement trois types de questions à nos entreprises, et particulièrement à nos industries. La première porte sur la gouvernance : elle engage l’équipe de direction dans sa capacité à anticiper la lame de fond générée par la directive CSRD, laquelle sera traduite dans le droit français avant la fin de cette année (10 décembre 2023 au plus tard). La seconde est de nature organisationnelle : il s’agit de définir un responsable, ou à défaut une équipe projet qui sera rapidement en capacité de traiter ces données plurielles. La troisième est de nature technique, et renvoie les industriels à leur capacité à rassembler et à traiter le Big Data avec des outils adéquats.
Ce dernier défi peut être relevé : il existe actuellement sur le marché quelques plateformes en capacité de centraliser l’intégralité des données des organisations grâce à une technologie qui transforme en temps réel les data en tableaux de pilotage. Ces plateformes permettent de décloisonner, en mode SaaS, les données en circulation au sein de l’entreprise : elles sont à ce jour la seule certitude que nous ayons.
Car les deux premiers défis mentionnés plus haut attendent encore d’être massivement investis par nos entreprises…