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Société Générale se retire du projet controversé Rio Grande LNG

Après des années de campagne menée par les communautés et des associations des deux côtés de l’Atlantique, Société Générale a confirmé ce lundi son retrait du projet très controversé d’exportation de gaz de schiste Rio Grande LNG prévu dans le sud du Texas [1]. La banque française était la cible d’une coalition d’organisations américaines et françaises depuis 2017, lorsqu’elle a été engagée comme conseiller financier par le promoteur du projet, NextDecade. Les organisations se félicitent de cette annonce et appellent toutes les institutions financières à se tenir à l’écart de ce projet climaticide.

L’annonce de Société Générale arrive après celle de NextDecade, qui a indiqué mi-mars prévoir une décision finale d’investissement d’ici l’été 2023 pour son projet Rio Grande LNG [2], après avoir conclu plusieurs accords de vente de gaz fossile au cours des derniers mois. Entre autres acheteurs on retrouve Engie, qui s’est engagée en mai 2022 à importer du gaz de Rio Grande LNG sur 15 ans – jusqu’en 2041 au moins [3]. TotalEnergies devrait également annoncer prochainement un nouveau contrat d’achat avec NextDecade [4].

Lorette Philippot, chargée de campagne aux Amis de la Terre France, déclare : “Après des années de mobilisation en France, notamment portée par les Amis de la Terre, Action Non-Violente COP21 et Alternatiba Paris, cette annonce est une victoire pour la société civile et une défaite pour Rio Grande LNG. Elle intervient à un moment où beaucoup trop de gouvernements et de multinationales européennes se précipitent sur le GNL américain, nous enfermant dans des dépendances qui coûtent déjà beaucoup trop chères au climat et aux citoyens. Ce retrait de Société Générale est un coup dur pour NextDecade et devrait envoyer un signal clair à ceux qui, comme Total, profitent de la crise pour parier sur l’industrie sale du gaz de schiste”.

Ce n’est pas le premier revers que connaissent les développements de GNL prévus dans la vallée du Rio Grande. En 2017, une campagne de mobilisation en France avait poussé BNP Paribas à se retirer de son mandat de conseil pour le projet voisin Texas LNG et à annoncer la fin de ses soutiens directs aux nouvelles infrastructures de GNL liées à l’exploitation de gaz de schiste [5]. En 2021, Société Générale avait à son tour fait un premier pas vers la sortie de ces projets, en s’engageant à ne plus financer les projets de GNL nord-américains, tout en maintenant une exception pour les projets déjà soutenus par la banque, comprenant Rio Grande LNG [6].

Juan Mancias, président de la tribu Carrizo Comecrudo du Texas, déclare : “Nous nous sommes rendus à Paris en 2017 pour rencontrer des représentants des banques françaises. Nous avons manifesté devant les bureaux de leurs banques, confronté leurs actionnaires. La banque française BNP Paribas a cessé de soutenir Texas LNG, mais nous avons été hués lors de l’assemblée générale de Société Générale. Mais nous n’avons pas reculé et Société Générale s’est finalement retirée de Rio Grande LNG. Des années et des années passées à affronter ces banques et à exiger qu’elles quittent nos terres et nos sites sacrés nous ont permis de remporter ces grandes victoires. Il est maintenant temps que d’autres banques, à commencer par Crédit Agricole et Natixis, s’engagent elles aussi à ne pas financer de nouveaux projets de GNL aux États-Unis.”

Rebekah Hinojosa, du Sierra Club, déclare : “La victoire d’aujourd’hui est le fruit de sept années de travail. Notre communauté et la tribu Carrizo Comecrudo ont fait pression sur les banques pour qu’elles retirent leur soutien au projet de terminal Rio Grande LNG, qui détruit déjà des terres autochtones sacrées, polluerait la vallée du Rio Grande et détruirait le climat. Le retrait de Société Générale de Rio Grande LNG est un avertissement pour toutes les autres grandes banques : arrêtez de soutenir le gaz de schiste et le GNL.”

Le 8 mars, 37 ONG ont écrit au président de la Net-Zero Banking Alliance [7] pour demander à ses membres de s’engager à ne pas soutenir Rio Grande LNG, ni aucun terminal d’exportation de gaz schiste ou projet d’infrastructure connexe prévu dans la vallée du Rio Grande. Le scénario “Net Zero Emissions by 2050” de l’Agence internationale de l’énergie, qui vise à limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C, prévoit la fin des nouveaux terminaux de GNL au-delà de ceux approuvés d’ici le 1er janvier 2023. Or, seule une minorité de banques s’est engagée à ne pas financer ces nouveaux projets [8].

Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance, déclare : “En mettant fin à son rôle de conseiller financier, Société Générale a enfin pris la mesure du problème concernant le projet Rio Grande LNG. Nous espérons maintenant qu’elle ne sera pas remplacée par d’autres banques telles que Crédit Agricole et Natixis, qui ne se sont pas encore engagées à ne pas soutenir des projets aussi épouvantables. Les nouveaux terminaux GNL nous éloignent de l’objectif de 1,5 °C et il est temps que les banques alignent leur financement sur cet objectif ultime, un engagement qu’elles ont pris en rejoignant la Net Zero Banking Alliance.”.

Ash Engle, responsable de la campagne banques au Rainforest Action Network, déclare : “Les banques ne peuvent financer aucun projet sans le consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones sur les terres desquels ces projets sont proposés. Bien qu’il s’agisse d’un pas dans la bonne direction, la vérité est que depuis l’Accord de Paris, Société Générale a financé des entreprises fossiles à hauteur de 87 millions de dollars et n’a pas de politique claire sur l’expansion du pétrole et du gaz. Il ne devrait pas être nécessaire de travailler autant pour convaincre les banques que les droits humains méritent d’être reconnus et respectés. Nous espérons que d’autres banques, y compris les principaux bailleurs de fonds américains des projets de GNL, prendront note de cette nouvelle et suivront l’exemple.”

[1] Novethic, mars 2023 : Le très controversé projet de gaz de schiste Rio Grande LNG ressuscite avec l’approbation de la France. Société Générale a confirmé au média français Novethic qu’elle s’était retirée de son contrat avec NextDecade au cours du premier trimestre 2022.

[2] Sierra Club, mars 2021. Rio Grande LNG Announces Financial Delays Despite Already Clear Cutting Land.

[3] Les Amis de la Terre France, mai 2022.Climat : Engie signe pour acheter du gaz de schiste jusqu’en 2041.

Le gouvernement français a pour sa part pris position contre Rio Grande LNG en 2020 en s’opposant à la signature d’un contrat de US$ 7 milliards entre Engie et NextDecade, en raison de préoccupations concernant les impacts environnementaux du projet, mais a gardé un silence complice sur la question depuis lors. Les Amis de la Terre France, novembre 2020. Contrat d’importation de gaz de schiste américain : Engie sous pression recule, Société Générale isolée.

[4] Les Echos, mars 2023. Gaz de schiste : pourquoi la France a dû retourner sa veste.

[5] Les Amis de la Terre France, octobre 2017. BNP Paribas et climat : un pas dans la bonne direction.

[6] Les Amis de la Terre France, juillet 2021. Sous pression citoyenne, Société Générale acte un début de retrait des projets de gaz de schiste nord-américains.

[7] Voir la lettre envoyée à la Net Zero Banking Alliance.

[8] Voir l’analyse des politiques des banques sur le Oil & Gas Policy Tracker.

Elliot

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