Loi ZAN : 10 questions qui fâchent
L’examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette» (ZAN), débutera le 13 juin en commission puis le 21 juin 2023 en séance à l’Assemblée Nationale. On nous annonce un compromis trouvé entre le gouvernement, les sénateurs et les associations d’élus. Certains sénateurs veulent absolument un vote final avant l’été, afin que ce sujet ne perturbe pas leur campagne électorale sénatoriale prévue à l’automne. Les intérêts particuliers comptent-ils plus que l’intérêt général ? Le texte doit encore lever plusieurs incertitudes susceptibles de remettre en cause les objectifs de lutte contre les changements climatiques et l’effondrement de la biodiversité.
Alors que les scientifiques de l’IPBES désignent depuis de nombreuses années l’artificialisation des sols comme la cause majeure d’effondrement de la biodiversité, entre 20 000 à 30 000 hectares continuent d’être artificialisés chaque année en France, soit l’équivalent de trois fois la surface de Paris. Une grande partie de cet espace perdu est en outre constitué de terres agricoles, dont la superficie française totale a diminué de 7,7% entre 1982 et 2019, au détriment de notre souveraineté alimentaire.
Afin de stopper cette fuite en avant, la stabilisation de la surface totale des sols artificialisés en 2050 est devenue un objectif national consacré par la loi dite Climat et Résilience du 22 août 2021.
La première étape de ce plan « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN), consiste d’abord à diviser par deux le rythme d’artificialisation entre 2021 et 2031 par rapport à la décennie 2010 – 2020, au cours de laquelle 250 000 hectares ont été bétonnés. Le compromis trouvé entre l’exécutif et les sénateurs fixerait une limite de 135 000 ha d’ici à 2032, soit 10 000 ha additionnels avec un délai supplémentaire de 2 ans. Si ces objectifs restent suffisamment proches du projet initial pour être acceptables, des incertitudes demeurent, notamment au sujet de la nomenclature des espaces artificialisés, c’est à dire ce qui sera considéré comme artificialisé, et ce qui ne le sera pas. La LPO demande au gouvernement et aux parlementaires de clarifier au plus vite les 10 points essentiels suivant :
- La limite maximum de nouvelle artificialisation permise en France sera-t-elle bien au total proche de 125 000 hectares pour les 10 prochaines années ? La cohérence entre les objectifs ZAN des régions (inscrits dans le SRADDET), et des intercommunalités sera-t-elle garantie ?
- L’artificialisation résultant de projets d’envergure régionale, nationale ou internationale sera-t-elle bien prise en compte dans ce total ?
- Les projets industriels considérés comme « verts » seront-ils exclus de ces comptes, comme l’a souhaité Bruno Le Maire devant le Sénat le 30 mai dernier (ce serait un comble !) ?
- Les espaces publics herbacés pauvres en biodiversité (parkings végétalisés, golfs, terrain de football, etc.) seront-ils comptabilisés parmi les surfaces artificialisées ?
- Les jardins et pelouses des lotissements des particuliers seront-ils considérés comme artificialisés ?
- Est-ce que les bâtiments et entrepôts agricoles feront bien partie du décompte comme le contestent les sénateurs ?
- La garantie octroyant aux communes rurales une surface minimale de développement de 1 hectare sera-t-elle conditionnée à l’impossibilité d’une augmentation de la densité ?
- Les zones de montagne et du littoral, qui figurent déjà parmi les territoires les plus artificialisés en France, bénéficieront-elles de régimes dérogatoires au nom du développement touristique ?
- Les objectifs d’artificialisation par région et pour les grands projets seront-elles rendues publics dès l’examen de la loi ?
- Un suivi annuel sera-t-il mis en place, en collaboration avec les associations environnementales ?
Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « Certes, le gouvernement n’a pas cédé à toutes les pressions des sénateurs qui souhaitaient détricoter la loi de 2021. Certes, le pire a été évité. Mais, une nouvelle fois, il nous faut endiguer les stratégies de recul en espérant de nouvelles avancées. Nous allons suivre de près l’examen à l’Assemblée pour que l’essentiel soit préservé. L’artificialisation constitue la deuxième cause du déclin de la biodiversité, il est urgent d’en finir avec un bétonnage meurtrier.»