
Inondations : un risque en expansion rapide

Depuis plusieurs années, les inondations se multiplient en Europe. Entre urbanisation galopante, imperméabilisation des sols et dérèglement climatique, les épisodes de pluies intenses gagnent en fréquence et en violence. En France, le coût moyen des inondations pour les assureurs dépasse les 1 milliard d’euros par an, et ce chiffre pourrait doubler d’ici 2050, selon France Assureurs.
Les systèmes classiques de protection (digues, bassins de rétention, barrages) atteignent leurs limites, notamment face aux crues soudaines. Une autre voie s’impose : celle des solutions fondées sur la nature (SfN). Et dans ce domaine, les haies champêtres font un retour remarqué.
Les haies : de simples arbustes ? Non, des ouvrages hydrauliques naturels
Une haie bocagère, ce n’est pas seulement un brin de nostalgie rurale. C’est un véritable système de régulation de l’eau. Voici pourquoi :
-
Infiltration accrue : Les racines des haies favorisent l’infiltration de l’eau de pluie dans les sols, limitant le ruissellement.
-
Ralentissement de l’écoulement : Les haies, surtout si elles sont disposées en travers de la pente ou accompagnées de talus, freinent la vitesse de l’eau et limitent l’érosion.
-
Stockage temporaire : Les zones boisées et les haies peuvent stocker temporairement l’eau en excès, réduisant les pics de crue.
-
Captation des polluants : Elles agissent comme filtres naturels, piégeant nitrates, pesticides et particules.
Une haie bien implantée peut réduire jusqu’à 70 % le ruissellement sur une parcelle agricole (source : INRAE). C’est une barrière hydraulique silencieuse, mais terriblement efficace.
Un modèle agricole à repenser : vers une paysannerie résiliente
Le retour des haies implique un changement de paradigme. Elles sont souvent vues comme des contraintes par les exploitants, réduisant la surface cultivable ou gênant la mécanisation. Pourtant, elles s’inscrivent dans une dynamique plus large :
-
Agroécologie : Intégration d’éléments de biodiversité dans les cultures.
-
Lutte biologique : Les haies hébergent des auxiliaires de culture, réduisant l’usage de pesticides.
-
️ Protection contre le vent : Limite l’évaporation et protège les cultures.
-
Pâturages en haies : Modèle de “maraîchage en haies” ou “silvopastoralisme” en développement.
On assiste donc à une renaissance des pratiques paysannes à la croisée de la production agricole et de la gestion des risques naturels. Ce n’est pas un retour en arrière, mais un saut vers un modèle agricole durable et résilient.
Des freins encore nombreux
Malgré les aides à la plantation de haies (PAC, Agence de l’eau, Régions), plusieurs obstacles subsistent :
-
Entretien chronophage et mal valorisé.
-
Connaissance technique limitée : manque de formation sur les essences locales, les distances de plantation, l’association avec le sol.
-
Pression foncière : logique d’agrandissement des exploitations au détriment des linéaires boisés.
Pour que les haies jouent pleinement leur rôle dans la régulation des eaux, il faudra un soutien politique fort, mais aussi une revalorisation du métier d’agriculteur comme gestionnaire du territoire et acteur-clé de la résilience climatique.
Initiatives inspirantes à suivre
-
Bocage de Pontivy (Morbihan) : Plus de 30 km de haies restaurées en 5 ans, avec des effets notables sur la limitation des coulées de boue.
-
Programme Bocagenèse (Normandie) : Cartographie fine des zones à revégétaliser, intégrée aux plans d’urbanisme et aux stratégies d’assurance.
-
Fermes pilotes en agroforesterie : Des démonstrateurs financés par la région Nouvelle-Aquitaine en partenariat avec l’INRAE.
Et les assureurs dans tout ça ?
Certaines mutuelles agricoles (comme la MSA ou Groupama) commencent à intégrer la préservation du bocage dans leurs critères de prévention. En Allemagne, certains assureurs subventionnent même la replantation de haies comme mesure de réduction du risque inondation.
Demain, pourrait-on imaginer des réductions de primes d’assurance pour les exploitations engagées dans la restauration du paysage rural ? C’est une piste sérieuse pour aligner intérêt privé et intérêt collectif.
Planter pour protéger
Les haies ne sont plus un vestige du passé. Elles sont l’un des piliers d’une gestion intégrée des risques climatiques en milieu rural. Relancer les plantations, c’est protéger les sols, les eaux, les cultures… et les habitations.
Ce retour du bocage n’est pas une simple mode, c’est une réponse low-tech, peu coûteuse et hautement efficace à l’un des plus grands défis de notre siècle.