
Une COP au sein du “poumon vert de la planète”

Le choix de Belém, en Amazonie brésilienne, comme ville hôte de la 30e Conférence des Parties sur les changements climatiques (COP30) de l’ONU, est loin d’être anodin. Pour la première fois, la COP se tiendra au cœur même d’un biome majeur en danger : la forêt amazonienne, qui couvre plus de 5 millions de km² et joue un rôle déterminant dans la régulation climatique globale.
L’objectif est clair : faire de l’Amazonie un symbole vivant des enjeux climatiques planétaires, en mettant en lumière les défis spécifiques liés à sa préservation, sa déforestation accélérée, et les droits des communautés autochtones qui y vivent.
Des enjeux cruciaux pour l’Amazonie
● Stopper la déforestation d’ici 2030
Alors que le Brésil a promis d’enrayer la déforestation illégale d’ici 2030, les derniers chiffres restent préoccupants. En 2023, plus de 9 000 km² de forêt amazonienne ont été détruits, notamment pour l’agro-industrie (soja, élevage bovin) et les exploitations minières.
La COP30 pourrait servir de plateforme pour renforcer les financements climatiques en faveur de programmes de reforestation, de surveillance satellitaire, et d’agriculture durable.
● Crédibiliser la diplomatie climatique brésilienne
Le président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva a promis un tournant écologique après les années Bolsonaro, mais il devra convaincre ses partenaires du G20 que les efforts de préservation ne sont pas qu’un effet d’annonce.
La COP30 est aussi un test de leadership pour le Brésil, qui espère peser davantage dans les négociations internationales et obtenir des aides financières substantielles pour sa transition écologique.
Développement économique et protection de l’environnement : un équilibre précaire
La tenue de la COP30 dans une région marquée par la pauvreté et l’absence d’infrastructures renforce une tension centrale : comment concilier impératifs de croissance et lutte contre la destruction environnementale ?
● Une croissance verte est-elle possible en Amazonie ?
Plusieurs projets visent à développer une économie bioéthique dans la région : écotourisme, valorisation des produits non ligneux (noix du Brésil, huiles essentielles), recherche pharmaceutique sur les plantes médicinales. Mais ces alternatives peinent encore à rivaliser avec les filières destructrices.
● Le rôle stratégique des marchés carbone
La mise en place de marchés carbone volontaires ou régulés, rémunérant la non-déforestation via des crédits carbone certifiés, est également au programme. Ces dispositifs pourraient générer des revenus pour les États amazoniens, à condition d’être encadrés par des mécanismes de contrôle rigoureux et de bénéficier aux populations locales.
Les peuples autochtones : gardiens de l’Amazonie
Selon de nombreuses études, les territoires autochtones sont les zones les mieux préservées de l’Amazonie, malgré les pressions extérieures. Leur implication active dans la gouvernance environnementale est donc essentielle.
● Des savoirs ancestraux à intégrer
La COP30 entend donner davantage de place aux voix autochtones, souvent marginalisées lors des précédentes conférences. Il s’agira de reconnaître leurs droits fonciers, leurs savoirs traditionnels, et leur rôle dans la surveillance écologique, via les technologies comme le GPS et les drones qu’ils commencent à utiliser.
● Une COP inclusive ?
Le gouvernement brésilien s’est engagé à faciliter la participation de milliers de représentants autochtones à la COP30. Mais la question de leur représentation réelle dans les décisions finales reste posée.
Une COP charnière sur fond de tensions internationales
La COP30 interviendra à un moment clé du calendrier climatique : les pays devront mettre à jour leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN) pour se rapprocher de l’objectif de 1,5°C. L’enjeu sera donc non seulement symbolique, mais stratégique.
● Une dernière chance avant l’irréversibilité ?
Le dernier rapport du GIEC alerte sur l’urgence d’actions structurelles immédiates. La déforestation amazonienne, si elle atteint un point de basculement, pourrait conduire à une “savanisation” de la forêt, mettant en péril la biodiversité mondiale et accélérant les dérèglements climatiques.
Une COP de rupture… ou de rattrapage ?
La COP30, en Amazonie, doit être plus qu’un sommet diplomatique. Elle doit incarner un changement de paradigme : celui d’une gouvernance environnementale juste, équitable et inclusive, qui intègre les enjeux du Sud global, la voix des peuples autochtones, et la nécessité de préserver les derniers grands puits de carbone de la planète. Faute de quoi, l’Amazonie pourrait bien être le théâtre d’un échec mondial aux conséquences irréversibles.
