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Climat, biodiversité et Solvabilité 2

Les assureurs face à une nouvelle donne systémique

L’évolution nécessaire de la régulation assurantielle face aux enjeux environnementaux
Depuis plusieurs années, le cadre prudentiel européen Solvabilité 2 est en pleine mutation. Si les risques climatiques ont d’ores et déjà intégré l’ORSA des assureurs depuis 2022, la perte de biodiversité émerge comme le nouveau défi systémique à intégrer dans les modèles d’évaluation des risques. Dans ce contexte, l’EIOPA entend accélérer la transition en précisant les contours réglementaires à venir, notamment pour guider les acteurs vers une gouvernance plus résiliente et une stratégie d’investissement durable.

Climat et biodiversité : vers une reconnaissance réglementaire des risques systémiques

1. Le climat : une intégration déjà engagée
Depuis août 2022, les assureurs européens ont l’obligation d’inclure les risques climatiques dans leur ORSA (Own Risk and Solvency Assessment). Cette avancée témoigne d’une prise de conscience de l’impact financier potentiel des événements extrêmes (sécheresses, inondations, tempêtes) sur les portefeuilles assurantiels.

2. La biodiversité : une menace encore sous-évaluée
Contrairement au climat, la biodiversité ne bénéficie pas encore d’un encadrement réglementaire fort. Pourtant, les signaux d’alerte se multiplient : disparition des pollinisateurs, dégradation des sols, déforestation, disparition des zones humides. Ces phénomènes mettent en péril la continuité de nombreuses chaînes d’approvisionnement, la productivité agricole et la résilience de secteurs entiers… exposant indirectement les portefeuilles d’investissement.

L’EIOPA trace la voie : une approche progressive mais déterminée

1. Une dynamique d’approfondissement inspirée du climat
Comme pour les risques climatiques il y a quelques années, l’EIOPA impulse une démarche structurante. Elle encourage les assureurs à anticiper l’intégration des risques liés à la biodiversité dans leurs dispositifs de gestion et à en améliorer la gouvernance. L’objectif : éviter un effet de rattrapage réglementaire plus brutal dans quelques années.

2. Une articulation recommandée entre climat et biodiversité
L’EIOPA suggère de ne pas isoler les risques de biodiversité mais de les inscrire dans une logique d’interdépendance avec les risques climatiques. Les deux dimensions s’alimentent mutuellement : la déforestation accroît les émissions de gaz à effet de serre ; le réchauffement climatique accélère l’érosion des habitats naturels. Une évaluation conjointe apparaît donc pertinente et nécessaire.

Intégrer les risques dans Solvabilité 2 : freins et leviers

1. Des obstacles techniques à surmonter
L’un des principaux défis réside dans la faible maturité des outils d’évaluation des risques liés à la biodiversité. Contrairement aux scénarios climatiques relativement bien modélisés (scénarios NGFS, stress tests), les méthodologies pour quantifier les effets d’une perte de biodiversité sur les actifs financiers restent embryonnaires. La donnée est hétérogène, les indicateurs encore instables.

2. Une ORSA enrichie pour une gouvernance responsable
L’intégration de ces nouveaux risques dans l’ORSA suppose de repenser certains éléments de gouvernance : cartographie des risques, scénarios prospectifs, politiques d’investissement responsables, gestion de la liquidité en période de stress écologique. L’EIOPA recommande une vigilance accrue sur les actifs sensibles à ces évolutions (agroalimentaire, forêt, matières premières…).

Entre stratégie réglementaire et investissement durable : quel équilibre ?

1. Des leviers à actionner pour les assureurs
Les assureurs peuvent s’appuyer sur plusieurs leviers pour se préparer : développer des partenariats avec des spécialistes de la biodiversité, intégrer des critères extra-financiers dans les choix d’actifs, favoriser les solutions fondées sur la nature dans les stratégies de couverture. L’objectif est double : se protéger contre les risques systémiques tout en participant activement à la transition.

2. Une feuille de route réglementaire en construction
La Commission européenne et l’EIOPA préparent une montée en puissance progressive. À horizon 2026-2027, des obligations d’information plus précises et des exigences quantitatives sur les risques environnementaux pourraient être intégrées dans le Pilier 1 de Solvabilité 2. Les assureurs doivent donc anticiper cette trajectoire pour ne pas subir mais piloter la transformation.

Un virage prudentiel stratégique à ne pas manquer

La directive Solvabilité 2 est en train de s’adapter à une réalité écologique désormais incontournable. Après le climat, c’est la biodiversité qui entre dans l’agenda prudentiel. Pour les assureurs, il ne s’agit pas seulement de répondre à une exigence réglementaire, mais de repenser leur rôle d’investisseur institutionnel face aux défis environnementaux. Gouvernance, stratégie, modélisation… tous les piliers de la gestion des risques sont appelés à évoluer dans les années à venir. Une transition stratégique, à la fois indispensable et structurante.

Elliot

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